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ALERTE IMPOTS – 3 juin 2019

La sentence de la Haute Cour Administrative: l'absence de livraison de la notification au contribuable ne suspend pas le cours du délai de prescription. La dernière sentence de la Haute Cour Administrative – la signification de la notification d’ouverture de la procédure pénale fiscale au contribuable et non à son représentant, ne suspend pas le cours du délai de prescription de l’obligation fiscale. La sentence de la Haute Cour Administrative a pour conséquence la prescription de l’obligation fiscale dans le cas d’un grand nombre de procédures fiscales, malgré la signification au contribuable de la notification d’ouverture de la procédure pénale fiscale.

  1. Prescription des obligations fiscales – suspension du cours du délai de prescription dans la jurisprudence

Selon les dispositions de la Loi fiscale (art. 70 § 1), l’obligation fiscale est quant au principe, prescrite à l’échéance de cinq années à compter de la fin de l’année civile où le terme du paiement de l’impôt était échu. Après cette date, la créance fiscale expire, et les organes fiscaux n’ont pas de possibilité efficace de la revendiquer, de modifier son montant ou de contrôler la régularité du calcul de l’impôt. Cependant, la loi fiscale prévoit plusieurs cas de figure où le cours de la prescription est interrompu ce qui fait que ce délai court à nouveau, ou bien il est suspendu ce qui fait qu’il a y une interruption dans l’échéance du délai concerné.

Le cours du délai de prescription est interrompu par la déclaration de faillite, et également, l’application du moyen d’exécution notifiée au contribuable. Par contre, la suspension du délai de prescription de l’obligation fiscale a lieu le jour de l’ouverture de la procédure concernant une fraude fiscale ou une infraction fiscale notifiée au contribuable si la suspicion de commission de la fraude ou de l’infraction est liée à l’inexécution de cette obligation, la plainte portée à la cour administrative au sujet de la décision concernant cette obligation, la requête adressée à un tribunal de droit commun de déterminer l’existence ou l’inexistence du rapport légal ou du droit, la signification de la décision d’accepter une caution etc.

L’institution de prescription revêt une très grande importance du point de vue de la conformité au droit de fonctionnement des organes fiscaux, et notamment de la protection des droits fondamentaux du contribuable et des principes directeurs des droits du contribuable et des principes directeurs du droit.

Malheureusement, les dispositions réglementant les questions relatives à la prescription des obligations fiscales sont exceptionnellement compliquées et sont source de grandes difficultés d’interprétation pour les contribuables. De ce fait, elles étaient souvent l’objet de sentences de la composition étendue des juges de la Haute Cour Administrative et également des jugements de la Cour Constitutionnelle.

  1. Pratique des organes fiscaux

Les problèmes liés à l’application des dispositions concernant la prescription des obligations fiscales recensent beaucoup de difficultés relatives à leur interprétation ce qui donne aux organes fiscaux la possibilité de les utiliser souvent de manière défavorable pour le contribuable. A partir de ce fondement, les organes fiscaux appliquent maintes fois différents subterfuges en vue d’interrompre ou de suspendre le cours des délais de prescriptions arrivant à terme.

Une pratique très fréquente des organes fiscaux est de présenter aux contribuables des accusations pénales fiscales juste avant l’échéance du délai de leur prescription ce qui a pour effet de suspendre le cours de la prescription et donne la possibilité de proroger la procédure de contrôle des règlements fiscaux. Cette manière de procéder aboutit à la situation où est engagée une procédure pénale qui a pour fondement non la suspicion de commission d’une fraude, mais l’élimination de l’obstacle à savoir l’échéance du délai de prescription au cours d’une procédure fiscale ou d’un contrôle fiscal. Cela accorde aux organes fiscaux un laps de temps supplémentaire pour engager des opérations devant prouver les irrégularités des règlements du contribuable. En conséquence, les procédures fiscales pénales sont engagées dans fondement justifié de droit et de fait. Ainsi donc, la procédure pénale fiscale se poursuit alors que le résultat de la procédure fiscale reste inconnu, à savoir qu’il n’a pas été déterminé si les conditions de commission de fraude ont été satisfaites, c’est à dire p.ex., s’il y a eu réduction de la créance de droit public.

La pratique présentée des organes fiscaux soulève un grand nombre de doutes y compris de nature constitutionnelle. Les experts fiscaux soulèvent notamment qu’il est inadmissible qu’une procédure soit engagée dans l’affaire et non pas contre la personne, sans aucun fondement de fait ni de droit et que cela permette de proroger la procédure en cours. Cette question a été soulevée par le Défenseur des Droits Civiques (le Médiateur) qui a déposé, le 22 octobre 2014, par devant la Cours Constitutionnelle, une demande sur la conformité de l’article 70 § 6 point 1 de la Loi fiscale à la Constitution. Hélas, depuis plusieurs années, la Cour ne s’est pas penchée sur cette question et les contribuables doivent attendre sa décision finale.

  1. Sentence de la Haute Cour Administrative du 18 mars 2019 (Rôle : sygn. akt I FPS 3/18)

Dans sa récente sentence du 18 mars 2019 (Rôle: sygn. akt I FPS 3/18), la Haute Cour Administrative a également fait état de cette question. L’objet de la réflexion de la Cour était de déterminer qui doit recevoir la notification d’ouverture de la procédure pénale fiscale dans le cas où le contribuable a constitué un représentant, pour que la suspension du cours de la prescription soit effectivement suspendue.

L’application de la suspension du cours du délai de prescription lié à l’ouverture de la procédure pénale fiscale est liée à la nécessité de signifier ce fait au contribuable. C’est ce que stipule l’article 70c de la Loi fiscale, conformément à cette disposition, l’organe fiscal notifie au contribuable le non-commencement ou la suspension du cours de la prescription de l’obligation fiscale, au plus tard à l’échéance du délai de prescription.

Ladite disposition avait déjà soulevé des doutes de la Haute Cour Administrative en ce qui concernait le texte de la notification. Par sa sentence prise par un nombre plus important de juges, la Cour a constaté que le texte de la notification pouvait avoir un caractère général et qu’il suffisait de citer la disposition adéquate de la Loi fiscale (sentence du 18 juin 2018, Rôle : sygn. akt I FPS 1/18).

Par la sentence prononcée par sept juges le 18 mars 2019, la Haute Cour Administrative a fait référence à la situation où la notification sur la suspension du cours de la prescription avait été envoyée à un contribuable qui avait constitué préalablement un représentant au cours de la procédure de contrôle.

Il découle du descriptif de l’état de fait qu’un contrôle fiscal avait été engagé envers un contribuable qui avait déduit la TVA en 2008 sur des factures qui, de l’avis de l’organe fiscal, ne justifiaient pas des opérations réelles. La première décision sur l’affaire a été prononcée fin 2013, juste avant l’échéance du délai de prescription de la créance fiscale. La décision a été abrogée en janvier 2014 et l’affaire a été soumise à révision par l’organe de 1ère instance qui a émis une deuxième décision en 2015 et cette décision a été maintenue par l’organe de 2e instance. En conséquence, la dernière décision sur l’affaire a été prononcée en octobre 2015. Les organes ont constaté que les décisions concernées avaient pu être émises car, en conséquence de l’ouverture de la procédure pénale fiscale qui avait eu lieu en novembre 2013, le cours du délai de prescription de l’obligation fiscale avait été opposablement suspendu.

Dans sa plainte adressée à la Cour administrative de Voïvodie, le contribuable a fait valoir que le délai de prescription n’a pas été opposablement interrompu vu que la notification, visée par l’article 70c de la Loi fiscale, concernant ce fait a été envoyée directement au contribuable et non pas au représentant que celui-ci avait constitué. En conséquence, l’obligation fiscale est devenue prescrite et les décisions fiscales sont nulles.

La Cour administrative de Voïvodie a considéré que la plainte n’était pas fondée en soutenant que le contribuable avait bien constitué un représentant, mais la procédure pénale fiscale a été enclenchée par un autre organe – qui a envoyé la notification d’interruption du cours du délai de prescription de l’obligation fiscale – que celui par devant lequel le fondé de pouvoir avait été constitué.

La Haute Cour Administrative a examiné le pourvoi en cassation du contribuable et soulevé le doute de savoir si la circonstance indiquée par la Cour administrative de Voïvodie est significative pour trancher le contentieux, et tenant compte des divergences de la ligne de jurisprudence, elle a adressé une interrogation aux juges.

Les sept juges de la Haute Cour Administrative ont considéré que si, envers le contribuable, a été enclenchée la procédure concernant l’exercice social soumis à prescription, l’obligation de notifier l’ouverture de la procédure portant sur la suspension du cours du délai de délai de prescription de l’obligation de cet exercice doit satisfaire par ses conséquences aux règles de notification auxquelles le contribuable dans cette procédure peut et doit s’attendre. Car, de l’avis de la Cour, il n’y a aucun doute que, dès lors que le contribuable a constitué un fondé de pouvoir dans les règles et en a informé l’organe fiscal en temps voulu, -dans le cas où il s’avérait indispensable d’informer de la cause indiquée de la suspension du cours du délai de la prescription – cet organe notifie le courrier concerné au fondé de pouvoir.

Les juges ont souligné que le contribuable, en instituant un fondé de pouvoir, s’attend à apprendre tout ce qui est important pour l’affaire fiscale en cours, justement par l’intermédiaire de ce fondé de pouvoir, veillant au dossier. La Cour a souligné que la teneur de l’article 70 § 6 point 1 de la Loi fiscale ne fait pas référence à la connaissance du contribuable concernant la procédure enclenchée dans l’affaire portant sur la fraude fiscale, mais indique la notification au contribuable de la procédure déterminée, ayant une signification juridique, sans toutefois réserver une procédure exclusive pour cet acte. Par contre, la règle de l’officialité des significations, exprimée par les dispositions de la Loi fiscale, oblige les organes fiscaux chargés de la procédure, de signifier tous les actes de procédure au fondé de pouvoir constitué pour l’affaire. Le fait d’omettre le fondé de pouvoir au cours des actes de la procédure fiscale empêche la partie de protéger ses droits et ses intérêts et d’obtenir la protection juridique qu’elle est en droit de recevoir dans un état de droit. La partie d’une procédure administrative qui constitue un fondé de pouvoir, se protège contre les conséquences de la méconnaissance du droit et si l’organe de l’administration omet le fondé de pouvoir au cours de la procédure, il réduit à néant les effets de la diligence de la partie cherchant à protéger ses droits et intérêts et à obtenir la protection juridique qui lui est due dans un état de droit.

Partant de ce fondement, la Haute Cour Administrative composée de sept juges a considéré que si le fondé de pouvoir du contribuable, dûment constitué, n’a pas reçu la signification du non-commencement ou de la suspension du cours du délai de prescription sur la base de l’article 70 § 6 point 1 de la Loi fiscale. Le fait d’omettre le fondé de pouvoir constitué dans l’affaire signifie que ce courrier n’est pas entré dans les relations juridiques de la manière exigée par les réglementations en vigueur.

Effets de la sentence de la Haute Cour Administrative

La sentence présentée revêt une importance primordiale pour la direction que prend l’interprétation des dispositions portant sur la prescription des obligations fiscales. Pour les contribuables, elle signifie une sorte de sécurité et de certitude que dans le cas de la constitution d’un fondé de pouvoir dans une affaire fiscale, l’organe fiscal ne peut rien faire sans que celui-ci n’en ait connaissance. Par contre, dans le cas des contribuables qui ont vécu une situation similaire dans leurs procédures fiscales encore inachevées, cette sentence donne un fondement pour contester l’échéance du délai de prescription. Il convient toutefois de ne pas oublier que la sentence présentée est significative pour l’état de droit en vigueur avant le 1er juillet 2016. A cette date, ont été modifiées les règles de constitution des fondés de pouvoir sur la base de la Loi fiscale, en introduisant entre autres l’institution de pouvoir général mandatant à agir dans toutes les affaires fiscales et dans d’autres affaires appartenant à la compétence des organes fiscaux. Sachant que les informations sur la constitution d’un pouvoir, son amendement, sa révocation ou sa dénonciation figurent dans le Registre Central des Pouvoirs Généraux. De ce fait, chaque organe a l’obligation, avant même de signifier tout acte de procédure au contribuable, de vérifier si ce genre de pouvoir général n’a pas été accordé. Ainsi, il n‘y a pas de doute que dans la situation où le pouvoir général figure dans le Registre, la signification de la suspension du cours du délai de prescription pour cause d’ouverture d’une procédure pénale fiscale doit être envoyée au fondé de pouvoir.

La sentence doit être considérée comme une manifestation très positive du règlement de l’un des nombreux doutes concernant les règlementations sur la prescription des obligations fiscales. Néanmoins, ceci n’est pas la fin des problèmes que ces règlementations causent du côté des contribuables. Comme l’a souligné la Fondation des Droits du Contribuable, partie de la procédure, dans l’affaire sur laquelle porte la sentence, le fait de mettre un terme à la pratique peu élégante des organes fiscaux et de considérer que la possibilité d’enclencher une procédure pénale, en vue de suspendre le cours du délai de prescription, doit être la conséquence des conclusions de la procédure fiscale achevée. Sans doute la Cour Constitutionnelle permettra de lever ces doutes en réponse à la demande du Porte-parole des Droits Civiques portant sur la conformité de l’article 70 § 6 point 1 de la Loi fiscale à la Constitution, 22 octobre 2014, toutefois les contribuables seront obligés d’attendre encore les conclusions à ce sujet.

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